Lettre de la Société européenne du droit d’auteur au commissaire Breton sur un futur agenda dans le domaine du droit d’auteur

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Lettre-de-la-Societe-europeenne-du-droit-dauteur-au-commissaireLes membres de la Société européenne du droit d’auteur (ECS) ont récemment envoyé une lettre à M Thierry BRETON (Commissaire au marché intérieur, Commission européenne) décrivant leur point de vue sur ce que devraient être les priorités pour l’afAgenda nature dans le domaine du droit d’auteur.

La lettre est disponible ici et son contenu sont reproduits ci-dessous.

Les membres de la Société européenne du droit d’auteur (ECS) prennent la liberté de vous adresser cette lettre en votre qualité de commissaire responsable de la politique de l’UE en matière de droit d’auteur, avec l’intention de vous présenter ce que nous considérons comme des priorités d’action future.

Notre société a été fondée en janvier 2012 dans le but de créer une plateforme de réflexion scientifique indépendante et critique sur le droit d’auteur européen.[1]. Nos membres sont d’éminents universitaires et universitaires européens de divers pays européens qui cherchent à partager leurs points de vue avec le public et les décideurs et à poursuivre l’intérêt public général sur tous les sujets concernant les droits d’auteur, les droits voisins et les questions connexes. Notre Société n’est pas financée et aucun intervenant ne l’instruit.

Avec cette lettre, nous ne voulons pas revenir sur les nombreuses initiatives passées, qui ont indéniablement été d’une grande importance dans la réalisation de l’harmonisation des législations nationales sur le droit d’auteur depuis 1988[2]. Au lieu de cela, nous aimerions réfléchir de manière constructive à d’autres actions législatives et autres susceptibles de compléter et d’optimiser ce processus d’harmonisation et de contribuer à établir un véritable marché unique numérique pour les contenus créatifs.

D’abordnous pensons que le législateur européen devrait accorder une attention prioritaire à optimiser le niveau d’harmonisation atteint jusqu’à présent. Cet objectif reste ambitieux et nécessiterait une réévaluation de l’acquis en vue (1) de consolider l’acquis constitué par plus de 15 directives et règlements, (2) de poursuivre le développement de l’acquis en comblant les lacunes dans les domaines qui manquent actuellement d’harmonisation, et (3) prendre des initiatives préparatoires pour des domaines ou des phénomènes qui causent aujourd’hui une incertitude juridique, mais qui nécessitent des recherches plus approfondies et/ou des évaluations d’impact avant toute action réglementaire. Pour chacune de ces étapes, nous avons formulé quelques suggestions en annexe à cette lettre, et nous restons bien entendu disposés à engager une discussion ou à apporter notre coopération à cet égard.

Au-delà de ces diverses suggestions plutôt techniques, notre association espère que d’autres initiatives politiques reflètent des principes généraux clairs sur la future législation européenne sur le droit d’auteur. L’ECS plaiderait en particulier pour que le système du droit d’auteur facilite la recherche, l’éducation et peut-être plus largement la créativité, car c’est la clé de l’innovation et du développement culturel. Cela comprend une réévaluation des exceptions et limitations existantes bien sûr (en particulier pour la recherche, y compris l’exploration de textes et de données, l’éducation, les bibliothèques et le journalisme, mais aussi pour imaginer de nouveaux mécanismes pour faciliter la réutilisation créative), mais aussi la facilitation des politiques d’accès ouvert à des fins de recherche et la mise en œuvre de règles de droit d’auteur qui facilitent cet objectif politique important (comme par exemple l’octroi aux auteurs du droit de republication secondaire numérique dans un format d’accès libre de leurs résultats de recherche).

Un autre principe sur lequel l’ECS souhaite insister est de mieux sécuriser la participation de l’auteur à l’exploitation de son œuvre. Le cadre du droit d’auteur de l’UE doit être amélioré à cet égard et les articles 18 sq de la directive CSDM (les règles dites de « loi contractuelle sur le droit d’auteur ») ne peuvent pas être le dernier mot sur cette question. D’autres mécanismes garantissant qu’une rémunération équitable revient directement aux créateurs devraient également être envisagés à l’avenir. Plus généralement, le CSE exhorte le législateur européen à tenir compte des traités de l’UE et de leur protection égale de tous les droits fondamentaux et des principes généraux sur lesquels l’UE a été construite, tels que la promotion de l’avancement et du progrès technologiques, la lutte contre  » l’exclusion sociale et la discrimination » et une volonté de « promouvoir la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations » (article 3 § 3 TUE). A cet égard, une réflexion claire sur la préservation et la protection juridique de le domaine public contre les appropriations indues semble nécessaire.

Deuxièmementdans plusieurs de ses articles antérieurs, l’ECS est intervenu pour recommander introduction d’un titre unitaire. La consolidation, par des mesures d’harmonisation, et l’unification sont deux aspirations différentes qui peuvent être poursuivies soit l’une après l’autre, soit simultanément.

Le moyen le plus efficace de garantir qu’un marché unique numérique pleinement opérationnel pour les biens et services fondés sur le droit d’auteur puisse finalement être réalisé consiste à remplacer la multitude de règles nationales qui continuent d’exister par un titre de droit d’auteur unique à l’échelle de l’UE. L’ECS a déjà pointé cet objectif d’un syndicat[1]une large unification du droit d’auteur dans une lettre envoyée au commissaire Günther Oettinger en décembre 2014. Le CSE estime qu’il est maintenant temps de préparer des initiatives pour réaliser cette ambition (à la suite de l’ambition des marques de l’UE, des dessins et modèles de l’UE et des brevets unitaires) sur la base de l’article 118 TFUE. Les diverses réalisations louables réalisées au cours de plus de 35 années d’initiatives d’harmonisation du droit d’auteur ne suppriment pas les effets négatifs persistants de la territorialité des différentes législations nationales entraînant la fragmentation des marchés le long des frontières nationales.

Surmonter les effets pervers du principe de territorialité est depuis longtemps une préoccupation que le CSE a pointée dans ses avis. Ce principe, selon lequel la protection du droit d’auteur est accordée sur une base nationale avec des règles et réglementations différentes s’appliquant dans chaque pays, crée une fragmentation du marché unique numérique, empêchant la distribution de contenus entre différents pays et rendant difficile pour les créateurs la gestion de leurs droits dans un contexte transfrontalier. Certains mécanismes de droit d’auteur ont déjà été adoptés dans le long cours d’harmonisation du droit d’auteur qui atténuent les effets négatifs de la territorialité. Il s’agit notamment du pays dit d’origine, qui est une règle de localisation fictive (communications par satellite, réglementation de la portabilité, diffusion auxiliaire et utilisation transfrontalière à des fins éducatives[3]), la règle de la reconnaissance mutuelle liée aux licences paneuropéennes (œuvres orphelines), et bien sûr, la règle de l’épuisement comme limitation du droit de distribution. Cependant, cette multitude de mécanismes différents ne facilite pas la résolution du problème territorial. Si l’idée d’unification doit réussir, une approche plus générale sous la forme d’un système de droit d’auteur paneuropéen complet qui remplacerait, ou compléterait, la législation fragmentée existante, semble la solution préférée, comme la Commission elle-même l’a considéré dans un précédent documents[4].

Troisièmementalors que les aspirations ci-dessus centrées sur le droit d’auteur impliquent déjà un effort considérable, l’attention relation du droit d’auteur avec d’autres domaines et réglementations devrait être gardé sur le radar. Il y a évidemment des relations avec les thématiques qui retiennent aujourd’hui l’attention, comme l’intelligence artificielle (générative), les effets du Digital Services Act sur la responsabilité des plateformes, et les différents instruments issus de la stratégie européenne des données (Data Act, Data Loi sur la gouvernance, Directive sur les données ouvertes, Règlement sur la libre circulation des données à caractère non personnel, Loi sur l’Europe interopérable, Loi sur l’intelligence artificielle ….). Nous ne pensons pas que ceux-ci devraient être traités à la hâte par des instruments de droit d’auteur (hard ou soft law), mais les développements ultérieurs et leur interaction avec le droit d’auteur devraient être étroitement surveillés et traités. La politique du droit d’auteur – telle que celle concernant les modèles de rémunération des titulaires de droits – peut en effet avoir un impact décisif sur les futures initiatives réglementant l’accès/l’utilisation de l’information (par exemple, lutte contre les fausses nouvelles, accès à l’information pour l’indexation, …).

Enfin, certains défis sociétaux cruciaux doivent être prioritaires. Ceux-ci incluraient développement durable et droit d’auteur. La crise climatique et environnementale nous oblige à revoir tous nos cadres réglementaires pour rendre nos modes de vie plus durables. Le droit d’auteur ne fait pas exception, même si à première vue, il semble moins concerné par les questions écologiques. Pourtant, certaines règles – ou leur absence – en matière de droit d’auteur entraînent un impact négatif sur l’environnement, comme le manque d’interopérabilité, la destruction des biens au lieu du recyclage comme remède à la contrefaçon, les effets des TPM/DRM. Examiner la manière dont les règles du droit d’auteur s’intègrent dans le nouveau « droit de réparation » horizontal proposé par la Commission et aider à poursuivre l’objectif de « recyclage » devrait être une priorité, par exemple le recyclage conformément à la directive sur les déchets et à la stratégie textile de l’UE.

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[1] Voir par exemple notre site web avec les différents avis sur les initiatives législatives dans l’UE ainsi que sur les arrêts de la CJUE traitant des questions et notions fondamentales du droit d’auteur (https://europeancopyrightsociety.org/).

[2] Le processus a commencé avec le Livre vert de la Commission sur le droit d’auteur et le défi de la technologie – Questions de droit d’auteur nécessitant une action immédiate, 7 juin 1988, COM(88) 172 final.

[3] Art. 1.1, sub c Directive Satellite 1993 ; Art. 3 Règlement sur la portabilité 2017 ; Art. 3 Directive 2019/789 ; Art. 5.3 et 9.2 Directive DSM.

[4] Voir, par exemple, la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Vers un cadre du droit d’auteur moderne et plus européen, 9 décembre 2015, COM(2015) 626 final, no. 6.