En septembre 2020, le Tribunal de l’Union européenne (GCUE) a examiné si l’admission en 2019 du Kosovo en tant que « pays tiers » au sein de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) de l’UE équivalait à la reconnaissance par l’UE du Kosovo en tant que « pays tiers ». états indépendants. L’affaire a été portée par l’Espagne, qui ne reconnaît pas le Kosovo, contre la Commission, qui avait décidé l’admission de l’Autorité nationale de régulation (ARN) du Kosovo à l’ORECE.
Comme je l’ai signalé ici en 2020, les CGEU avaient constaté que la notion de « pays tiers » au sens du droit de l’UE ne pouvait être assimilée à celle d’« État tiers ». Le GCEU a constaté que le « concept de ‘pays tiers’ [had] un champ d’application plus large qui [went] au-delà des seuls États souverains, de sorte que le Kosovo [was] susceptibles d’en faire partie, sans préjudice de la position de l’Union européenne ou de ses États membres quant au statut du Kosovo en tant qu’État indépendant ». (par. 36)
Selon les CGUE, « les dispositions du droit de l’UE relatives aux ‘pays tiers’ [were] manifestement destiné à ouvrir la voie à la conclusion d’accords internationaux avec des entités « autres que des États ». Ainsi, l’Union européenne [could] conclure des accords internationaux avec des entités territoriales, couvertes par la notion souple de «pays», qui [had] la capacité de conclure des traités de droit international mais qui [were] pas nécessairement des « États » aux fins du droit international. Prétendre le contraire reviendrait à créer un vide juridique dans la relation extérieure de l’Union européenne. » (jusqu’à 30)
Il s’agissait de la première décision judiciaire sur les différences entre un « État » et un « pays » (en vertu du droit de l’UE), et sur les droits et obligations que ce dernier a en vertu du droit international public. Les CGUE ont clairement établi que les pays, en plus des États universellement reconnus, sont des « acteurs du droit international ». Elle a également expliqué que ces acteurs sont des personnes morales capables de conclure des accords internationaux régis par le droit international public.
L’Espagne a fait appel de la décision de la GCEU en faisant valoir, entre autres, que « les notions de ‘pays tiers’ et d »Etat tiers’ sont équivalentes ». L’Espagne a soutenu que « le terme ‘pays tiers’ [as used in the EU law] n’a pas un sens plus large ou différent de celui de l’expression «État tiers». Toute autre interprétation serait susceptible de transformer la notion de « pays tiers » en une catégorie autonome du droit de l’Union, avec un sens différent de celui qui prévaut en droit international, alors que les États sont les sujets clés des relations internationales ». (jusqu’à 35)
Le 17 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur cette affaire. La CJUE a convenu avec l’Espagne que, selon les traités de l’UE, il n’y a pas de différences entre les pays et les États. La Cour est parvenue à cette conclusion après avoir examiné l’utilisation interchangeable des deux concepts dans les traités de l’UE (paragraphe 39) et le fait que dans de nombreuses langues de l’UE, le terme pays tiers n’apparaît que comme État tiers (paragraphe 40). Cependant, la Cour a considéré que le Kosovo pouvait être considéré comme un pays au sens de l’article 35.2 du règlement 2018/1971 (qui concerne la coopération de l’ORECE avec les pays tiers). Selon la Cour,
50. … aux fins d’assurer l’effectivité de l’article 35, paragraphe 2, du règlement 2018/1971, une entité territoriale située en dehors de l’Union européenne que l’Union européenne n’a pas reconnue comme État indépendant doit pouvoir être traitée de la même manière de « pays tiers » au sens de cette disposition, sans enfreindre le droit international (voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 1992, Poulsen et Diva NavigationC‑286/90, EU:C:1992:453, point 9, et du 5 avril 2022, Commission v Conseil (Organisation maritime internationale)C‑161/20, EU:C:2022:260, point 32).
51. En ce qui concerne le Kosovo, dans son avis consultatif du 22 juillet 2010, Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance relative au Kosovo (CIJ Recueil 2010, p. 403), la Cour internationale de Justice a conclu que l’adoption de la La déclaration d’indépendance du Kosovo du 17 février 2008 n’a pas violé le droit international général, la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies ou le cadre constitutionnel applicable.
Alors que la Cour aurait pu préciser davantage ce qu’elle entendait par ne pas enfreindre le droit international, on pourrait le comprendre (en particulier dans le cadre de la référence ultérieure de la Cour à l’AO de la CIJ sur le Kosovo) de manière à ce que le Kosovo puisse être considéré comme un pays parce qu’il aucune illégalité n’était attachée à son indépendance au regard du droit international. La CJUE a choisi de ne pas approfondir la discussion sur le statut d’État. Cependant, il a reconnu que l’UE, au nom de tous les États membres, avait déjà accepté de conclure des accords internationaux avec le Kosovo lorsqu’elle avait signé, entre autres, l’accord de stabilisation et d’association. Avec cela, l’UE avait reconnu la « capacité du Kosovo à conclure de tels accords ». (par. 55)
Ayant confirmé cela, la CJUE a précisé « que le traitement du Kosovo en tant que pays tiers n’affecte pas les positions individuelles des États membres quant à savoir si le Kosovo a le statut d’État indépendant revendiqué par ses autorités ». La Cour est parvenue à cette conclusion en se référant à la note de bas de page figurant dans l’accord de stabilisation et d’association avec le Kosovo, qui stipule que l’accord « est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies]et l’avis de la Cour internationale de Justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo ».
Ce n’est peut-être pas l’arrêt le plus important pour le droit de l’UE (la partie pertinente concerne les pouvoirs de la Commission et de l’ORECE, voir les paragraphes 89 et suivants), mais il l’est certainement pour le droit international et le Kosovo. En ce qui concerne le droit international, il précise que les notions de « pays » et « État » (au moins dans le droit de l’UE) sont interchangeables. Le régime autonome de l’UE s’est (cette fois) abstenu de « fixer » de nouvelles règles pour l’ordre juridique international, du moins sur la question des sujets et des acteurs du droit international. En ce qui concerne le Kosovo, il a confirmé que le Kosovo pouvait être traité comme un « pays tiers » en vertu des traités de l’UE, sous réserve qu’un tel traitement n’implique pas sa reconnaissance par cinq États non membres de l’UE, à savoir l’Espagne, Chypre, la Grèce, la Slovaquie et la Roumanie. La CJUE a tiré cette conclusion en se référant à la décision de la CIJ sur le Kosovo, qui exclut toute illégalité attachée à la déclaration d’indépendance du Kosovo. Pour parvenir à cette conclusion, la CJUE s’est également référée au fait que l’UE, avec l’autorisation de tous ses États membres, avait déjà conclu plusieurs accords avec le Kosovo. Il reste à voir si ces conclusions auront un impact sur les relations futures du Kosovo avec l’UE, en particulier compte tenu de la récente demande d’adhésion du Kosovo à l’UE, qui pourrait déclencher des discussions sur le statut du Kosovo par les États non reconnaissants.
Au-delà du Kosovo et de l’UE, l’arrêt confirme que les questions d’admission de nouveaux États aux mécanismes internationaux sont distinctes de celle de la reconnaissance. À savoir, un État qui n’est pas reconnu par tous ses membres peut adhérer à un mécanisme international sans affecter ses relations bilatérales avec les non-reconnus. Dans cette veine, par exemple, le Kosovo a rejoint un certain nombre d’organisations internationales sans nécessairement modifier ses relations bilatérales avec les États non reconnaissants.
Photo : « Bâtiment principal et enseigne de la Cour de justice de l’Union européenne (Luxembourg) », (Transparency International).