Rejoindre la tendance positive : les leçons de la Hongrie sur les clauses d’arbitrage pathologique

, Rejoindre la tendance positive : les leçons de la Hongrie sur les clauses d’arbitrage pathologique

Une récente affaire d’arbitrage international administrée par la Cour permanente d’arbitrage auprès de la Chambre hongroise de commerce et d’industrie (« Cour d’arbitrage HCCI”) a démontré que la Hongrie suit la tendance internationale en matière d’applicabilité des clauses compromissoires pathologiques.

Les clauses compromissoires sont pathologiques si elles contiennent des éléments défectueux, rendant ainsi leur interprétation au mieux incertaine, mais plus vraisemblablement impossible. Ces défauts peuvent rendre les clauses compromissoires difficiles et coûteuses à respecter ou, en cas de vices irréparables, peuvent même rendre la convention d’arbitrage des parties invalide ou inapplicable.

Les conventions d’arbitrage peuvent être pathologiques si elles manquent de spécificité, ne parviennent pas à conclure un accord valable pour arbitrer, désignent de manière inexacte l’institution d’arbitrage ou encore renvoient le différend à une institution d’arbitrage inexistante. Au cours de la dernière décennie, nous avons assisté à l’émergence de clauses d’arbitrage hybrides qui peuvent également être un terreau fertile pour des résultats pathologiques : ce à quoi la communauté hongroise de l’arbitrage vient d’être confrontée dans l’affaire qui fait l’objet même de ce billet.

Clauses d’arbitrage pathologique en Hongrie

Une affaire d’arbitrage récemment tranchée brosse un tableau très réaliste de l’expérience hongroise en matière de clauses compromissoires pathologiques. La clause de règlement des différends applicable prévoyait que l’arbitrage serait administré par le tribunal arbitral HCCI avec un rebondissement intéressant : les parties ont choisi d’appliquer le règlement intérieur de la Chambre de Commerce Internationale (« CPI« ). La clause prévoyait ce qui suit :

Les parties conviennent que le Cour d’arbitrage auprès de la Chambre de commerce hongroise et Industrie est le tribunal le plus approprié et le plus commode pour régler tous les litiges, controverses ou réclamations découlant de ou en relation avec son Contrat, y compris toute question concernant leur existence, leur validité, leur rupture ou leur résiliation et enfin installé en vertu du Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (« Règlement ») en vigueur au moment où la procédure est engagée, lesquelles règles sont réputées incorporées par référence au présent article. Le nombre de les arbitres doivent être trois (3),nommé conformément au Règlement. Le siège de l’arbitrage sera Budapest, Hongrie. La langue de l’arbitrage sera l’anglais.

Au cours de la procédure d’arbitrage qui a suivi, les intimés ont soulevé une exception d’incompétence, arguant que la clause compromissoire est contradictoire car les parties avaient effectivement stipulé la compétence de deux institutions arbitrales. Les intimés ont soutenu que l’effet de la clause était que les parties soumettaient la résolution de leurs différends au HCCI, et en vertu de la CCI en même temps en se référant à l’applicabilité de ses règles, qui stipulent que les parties arbitrant en vertu de celles-ci acceptent que leur cas soit administré par la CPI. Ils ont fait valoir que les deux institutions ne pouvaient pas agir simultanément.

Les intimés ont expliqué que le caractère inapplicable de la convention d’arbitrage était également démontré par le fait que la Cour d’arbitrage HCCI opérant en vertu du Règlement de la CCI ne pouvait pas soumettre le projet de sentence à la CCI pour examen, ce qui ne serait pas conforme à la volonté des parties. .

Ils ont fait valoir que l’incorporation des règles de la CCI contredisait également les règles impératives de la lex arbitri, car le Règlement stipule que l’arbitre-président doit être nommé par la CCI. À leur avis, cela contredit la loi hongroise sur l’arbitragequi prescrit que les tribunaux arbitraux sous les auspices de la Cour d’arbitrage HCCI doivent être constitués selon ses propres règles de procédure (« Règles HCCI« ).

Sur la base de ce qui précède, les répondants ont déclaré que la convention d’arbitrage ne pouvait pas être appliquée comme prévu par les parties, rendant la clause compromissoire totalement invalide.

La décision du tribunal arbitral

Le tribunal, dans sa décision sur la compétence, a jugé que la convention d’arbitrage, bien que partiellement invalide, était exécutoire et exécutoire.

Le tribunal a expliqué que l’intention des parties était de soumettre leur différend à l’arbitrage dans le cadre d’un régime hybride. Dans cet ordre d’idées, il a noté que les règles du HCCI permettent des dérogations : les parties peuvent déroger à ses dispositions ou les remplacer par des règles d’une autre institution arbitrale tant qu’elles ne violent pas les lex arbitri. Le tribunal a également déclaré que l’intention des parties n’était pas de soumettre leur différend à la CPI, mais de déroger aux Règles HCCI et d’appliquer les Règles de la CPI dans toute la mesure du possible.

En ce qui concerne la compétence, le tribunal a statué que les dispositions impératives de la loi hongroise sur l’arbitrage stipulent expressément que le tribunal d’arbitrage HCCI ne peut exercer sa fonction concernant l’administration de l’arbitrage que conformément aux règles HCCI. Dans cet esprit, les dispositions du Règlement de la CCI, stipulant que seule la CCI est autorisée à administrer des arbitrages en vertu du Règlement, ont été jugées inapplicables car les parties ont dérogé à cette disposition en désignant la Cour d’arbitrage HCCI comme institution administrante. Ainsi, le tribunal arbitral a décidé que la Cour d’arbitrage HCCI administrera l’arbitrage selon ses propres règles, tandis que les règles de la CCI, dans la mesure où elles sont exécutoires, seront appliquées à la conduite de la procédure.

En ce qui concerne la clause compromissoire prescrivant que les arbitres doivent être nommés conformément au Règlement de la CCI, le tribunal est arrivé à la conclusion qu’elles sont invalides et inapplicables car elles sont contraires aux dispositions impératives du lex arbitri qui prévoit que dans les procédures administrées par le HCCI, la nomination des arbitres doit être effectuée conformément aux règles du HCCI.

La décision du tribunal hongrois

Suite à la décision du tribunal sur la compétence, les défendeurs l’ont rapidement contestée devant le tribunal métropolitain de Budapest, qui a toutefois confirmé la décision du tribunal.

Elle a indiqué que la convention d’arbitrage n’est pas contradictoire compte tenu du fait que les parties ont clairement stipulé la compétence de la Cour d’arbitrage HCCI, contrairement à celle de la CCI. Le tribunal a jugé que les parties avaient agi légalement en stipulant la compétence de la Cour d’arbitrage HCCI avec l’application simultanée du Règlement de la CCI et que les parties étaient libres de convenir des règles applicables à leur procédure, nonobstant le fait que le Règlement de la CCI stipule que seule la CPI peut traiter des affaires relevant du Règlement de la CPI.

La cour a convenu avec le tribunal de l’invalidité partielle de la convention d’arbitrage concernant la constitution du tribunal conformément aux règles de la CCI. Cependant, tout en évaluant s’il convenait de considérer comme invalide la convention d’arbitrage complète, elle s’est référée à la clause de nullité du contrat, obligeant les parties à remplacer ces clauses par des clauses valables aussi proches que possible des intentions initiales. Etant donné que la convention d’arbitrage ne laissait aucun doute sur le fait que les parties ne souhaitaient pas soumettre leurs différends aux juridictions étatiques et que leur intention était manifestement de les faire trancher par le tribunal arbitral HCCI, le tribunal a noté qu’il serait inconciliable avec la volonté des parties de déclarer invalide l’intégralité de leur clause compromissoire en raison de ses termes invalides concernant la constitution du tribunal.

Sur la base de ce qui précède, le tribunal a jugé que la volonté des parties était mieux servie en permettant au HCCI de trancher leur différend.

Moyens possibles de sauver des clauses pathologiques

Cette décision hongroise suit la tendance internationale des cours, institutions d’arbitrage et tribunaux du monde entier essayant de sauver les clauses pathologiques chaque fois que possible, tout en essayant simultanément de préserver l’intention initiale des parties. Les tribunaux et les cours peuvent s’appuyer sur l’intention des parties d’arbitrer, sur l’historique de la rédaction de la clause compromissoire ou encore sur les déclarations des parties concernant la clause.

En ce qui concerne les options pour les avocats d’arbitrage concernant de telles clauses, ils doivent d’abord vérifier s’il existe une possibilité d’arbitrage ou si la seule véritable option du client est de demander réparation aux tribunaux ? S’ils concluent que la pathologie de la clause peut être entièrement surmontée, ou du moins dans une certaine mesure, ils doivent choisir le forum le plus approprié pour la procédure. Il peut s’agir soit d’une institution arbitrale qui était très probablement le forum prévu des parties, mais elles peuvent même essayer de recourir à ad hoc arbitrage. Ces options doivent être soigneusement examinées au cas par cas.

Conclusion

L’histoire de cette clause d’arbitrage hybride montre que la Hongrie est une juridiction amie de l’arbitrage et est ouverte à adopter une approche progressive pour préserver autant que possible l’intention des parties d’arbitrer. Cette décision arbitrale ainsi que la jurisprudence pourront guider les praticiens confrontés à des clauses compromissoires pathologiques faisant référence à des procédures hybrides en Hongrie.

Plus important encore, ces décisions vont s’ajouter au nombre croissant d’affaires internationales portant sur des clauses compromissoires pathologiques. C’est assez important car le dilemme est toujours le même, que l’on opère sur la scène nationale ou internationale : la volonté des parties d’arbitrer selon leur clause compromissoire hybride doit-elle être respectée ou les risques d’inopérabilité sont-ils trop lourds à supporter ?

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Les contributeurs étaient impliqués dans l’affaire.