A nouveau, ce blog va vous dévoiler un papier qui a été remarqué sur le web. La thématique est «la justice».
Son titre séduisant (elles s’installent dans le paysage judiciaire) parle de lui-même.
Sachez que le chroniqueur (présenté sous le nom d’anonymat
) est positivement connu pour plusieurs autres papiers qu’il a publiés sur internet.
Le paysage judiciaire subit depuis quelques mois une modification majeure. Dans les Palais de justice, les cours d’assises et leurs jurés populaires s’effacent peu à peu au profit d’un nouvel objet juridictionnel : les cours criminelles départementales. Cet outil hybride entre les cours d’assises et les tribunaux correctionnels peut juger les crimes passibles de moins de 20 ans de réclusion. Avec une nuance de taille : le jury est désormais composé de 5 magistrats professionnels (1).
Expérimentées depuis 2019…
Le paysage judiciaire subit depuis quelques mois une modification majeure. Dans les Palais de justice, les cours d’assises et leurs jurés populaires s’effacent peu à peu au profit d’un nouvel objet juridictionnel : les cours criminelles départementales. Cet outil hybride entre les cours d’assises et les tribunaux correctionnels peut juger les crimes passibles de moins de 20 ans de réclusion. Avec une nuance de taille : le jury est désormais composé de 5 magistrats professionnels (1).
Expérimentées depuis 2019 dans quelques départements (dont les Pyrénées-Atlantiques), ces cours criminelles s’installent dans le territoire depuis janvier dernier. Dans les Landes, la première session s’est ouverte il y a quelques mois. En Charente-Maritime, c’était au début du mois. Et la première cour criminelle de Gironde siégera en juin prochain.
Les aléas de l’intime conviction
Il est bien sûr trop tôt pour tirer un bilan de cette réforme. Relevons qu’elle ne fait plus l’unanimité contre elle chez les avocats (lire par ailleurs). Si la plupart d’entre eux proclament leur attachement à la solennité des procès criminels où l’art oratoire est roi, beaucoup voient aussi dans ce changement de public l’opportunité de se prémunir contre les « aléas » supposés de l’intime conviction des jurés. « Si l’oralité, le rythme du procès d’assises sont respectés, ce n’est pas forcément une mauvaise solution », glisse par exemple Me Frédéric Dutin, ancien bâtonnier de Mont-de-Marsan.
Mais nul n’avance qu’une quelconque préoccupation pour les droits de la défense a présidé à cette réforme. En toile de fond, figurent avant tout des questions logistiques. Car la justice criminelle, vitrine de la justice française (bien qu’elle ne concerne qu’une infime partie des dossiers), justice dite luxueuse en raison du temps consacré aux affaires, est aujourd’hui engorgée.
La complexification de la procédure, la sophistication des expertises ont, notamment, rallongé la durée des procès ces dernières années. La crise sanitaire a fini par épaissir encore plus les « stocks » de dossiers. Depuis de nombreuses années, la majorité de ces affaires concernent des infractions sexuelles. Ce n’est évidemment pas un hasard si les cours criminelles visent les faits passibles de moins de vingt ans : l’essentiel des infractions correspondant à ce critère sont des viols simples ou aggravés.
Par ailleurs, la justice criminelle, avec son temps long mais aussi avec l’indemnisation des jurés et des parties civiles, coûte cher. La chancellerie, dans un calcul qui ne convint pas tous les observateurs, estime à 2 100 euros le coût d’une journée d’assises contre 1 200 pour une journée de cour criminelle.
Pas sûr pour autant que les cours criminelles tiennent toutes leurs promesses. « On constate que l’engorgement commence également à toucher ces juridictions, on ne résout pas les problèmes de stocks de manière magique », remarque Stéphanie Caprin, secrétaire générale de l’Union syndicale des magistrats (USM). Car celles-ci se heurtent aux effectifs encore contraints de magistrats. Là où les cours d’assises n’en mobilisaient que trois, il en faut désormais cinq. En Charente-Maritime, la mise en place de la première session de cour criminelle s’est soldée par la suppression de deux audiences correctionnelles. « Beaucoup de présidents d’assises constatent ce phénomène », relève Franck Wastl Deligne, président de la cour d’assises de Poitiers.
« Jurys de notables »
Le ministère s’est toutefois laissé des marges de manœuvre en rendant possible le recrutement d’assesseurs parmi des magistrats honoraires, avocats ou avocats en retraite. Pour les convaincre, la chancellerie a sensiblement augmenté les indemnisations de ces auxiliaires.
Mais le système laisse certains dubitatifs. « C’est un peu un retour aux jurys de notables ! » sourit un avocat. Rappelons que le tirage au sort des jurés instauré en 1980 a mis fin à une longue tradition censitaire dans laquelle, depuis Bonaparte, les régimes successifs avaient introduit différents critères, notamment de revenus, soumis à l’appréciation des préfets puis des maires chargés de présélectionner les citoyens profanes pour siéger auprès des magistrats professionnels. Seule une catégorie de la population accédait en réalité aux jurys populaires ! Loin des aspirations d’une période où l’on plébiscite les conventions citoyennes…
Le recours aux avocats pour siéger comme assesseur dans des procès n’est toutefois pas une nouveauté. Il peut, dans des circonstances exceptionnelles, être activé devant les tribunaux correctionnels. Ces derniers mois, face à la pénurie de magistrats, le tribunal judiciaire d’Angoulême avait eu un recours à ce dispositif. Avant de se faire vertement rappeler à l’ordre par la cour d’appel de Bordeaux !
(1) Le principe des jurés populaires tirés au sort demeure pour juger les crimes passibles de plus de 20 ans de réclusion ainsi que pour les juridictions d’appel
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