Voici le principal d’un éditorial que notre équipe vient de découvrir sur internet. Le thème va inévitablement vous intéresser. Car le sujet est « la justice ».
Le titre (Attaque d’un avocat : il espère une sentence exemplaire) en dit long.
L’écrivain (présenté sous la signature d’anonymat
) est connu et fiable pour plusieurs autres posts qu’il a publiés sur internet.
La confiance est en conséquence parfaite concernant ce post.
La date de parution est 2023-04-26 08:00:00.
L’article :
Me Nicholas Daudelin, avocat de 35 ans spécialisé en litige civil et commercial au cabinet LCM Avocats, et depuis peu associé, a été atteint par balle par deux hommes armés venus sonner à sa porte en Montérégie, le 26 mars 2020.
Il s’agit de Daouda Dieng et Cheikh Ahmed Tidiane Ndiaye, qui, arrêtés près de trois mois plus tard, ont été accusés de tentative de meurtre sur l’avocat, blessé à la jambe. Ce dernier représentait à l’époque le Mouvement Desjardins dans un important litige contre Jean-François Malo, un promoteur immobilier de Joliette.
Les deux hommes auraient agi sur l’ordre de celui-ci.
Le 3 novembre dernier, au palais de justice de Longueuil, ils étaient acquittés de l’accusation de tentative de meurtre. Mais ils étaient reconnus coupables d’avoir déchargé une arme à feu dans l’intention de mettre en danger la vie de l’avocat. La peine maximale pouvant être imposée pour ce chef est de 14 ans.
La sentence des complices sera prononcée à la mi-mai. La poursuite a demandé une peine exemplaire de 10 ans de prison, pouvant aller jusqu’à 12 ans en raison du contexte particulier de l’affaire, quand les avocats de la défense ont suggéré des sentences de quatre ou cinq ans.
L’avocat s’est par ailleurs récemment livré lors des observations sur la peine de ses deux assaillants et selon Le Journal de Montréal, la Sûreté du Québec lui a même offert de changer de vie, ce qu’il a refusé. L’avocat a aussi dû vivre caché avec sa conjointe.
Jean-François Malo fait face à la justice dans un dossier séparé.
Droit-inc a pris des nouvelles de l’associé, plus de trois ans après les faits.
Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?
Je vous dirais que je me sens mieux que lors des événements, mais il y a encore cette vigilance dans la vie de tous les jours qui est présente.
Comme je le mentionnais lors de mon témoignage, c’est évident que quand une personne se présente à ma porte, que je ne connais pas, je ne vais pas répondre. Ça arrive encore fréquemment. D’autant plus lorsque c’est le soir, je vais aller me cacher, c’est encore un réflexe très présent dans ma vie.
Cette sorte d’hyper vigilance, c’est quand même épuisant à la longue. Ça fait trois ans que j’ai ce comportement. Ç’a toujours un impact important dans ma vie actuellement.
Mais je suis revenu au travail à l’automne 2020, j’ai repris ma vie en main pour aller de l’avant. Donc c’est certain que quand je revis l’événement à travers le processus judiciaire, pour moi, c’est toujours difficile.
Je mets un peu l’événement dans une boîte pour essayer de ne pas trop y penser au quotidien, mais lorsqu’on nous oblige à revivre cet événement, ça ressasse beaucoup de choses, non seulement pour moi, mais pour ma conjointe également. J’ai vécu cet événement avec elle de manière très intense.
On peut parler d’un réel traumatisme ?
Tout à fait. La manière dont l’événement s’est déroulé, le fait que ce soit par arme à feu, pour moi, ç’a un impact. Les images qui me restent en tête, encore à ce jour, sont beaucoup celles de l’arme à feu.
Le mot que j’ai utilisé, c’est l’aspect déshumanisant. Quand on pointe une arme sur quelqu’un, c’est comme si on n’était pas digne du minimum de considération qu’on doit à tout être humain. C’est comme ça que je l’ai reçu.
Vous avez dû vous cacher avec votre conjointe pendant un temps ?
Oui, de l’attentat du 26 mars 2020, jusqu’à je pense quelque chose comme la mi-juin. Quand les assaillants ont été arrêtés, on m’a réévacué.
Je suis resté pendant un mois dans une résidence pour personnes âgées.
J’avais une fausse identité dans ces endroits-là. Selon les menaces, car il y en a eu au fur et à mesure, la Sûreté du Québec en a identifié, j’ai été évacué et changé d’endroit.
C’était difficile à vivre, j’imagine ?
Autant que l’attentat. Quand j’ai été réévacué, je pensais sincèrement que je ne m’en sortirais jamais. Je me disais, « des arrestations ont eu lieu et on me réévacue, ça ne prendra jamais fin… »
Le mois où j’étais dans la résidence pour personnes âgées, isolé de tout le monde, c’était extrêmement difficile à vivre. Surtout dans un contexte où tu vis un événement traumatisant, mais que personne ne peut être là pour t’appuyer. Les seules relations que tu as, c’est ton psychologue par Teams. Ç’a des limites, la vie virtuelle.
La Sûreté du Québec vous a même proposé de changer de vie ? C’est-à-dire ?
Tout à fait. Je ne connais pas le détail de la Protection des témoins, mais lorsque l’on a eu la conversation, à laquelle ma conjointe était présente, ce n’était pas une éventualité.
Je n’étais pas prêt à faire ce deuil-là dans ma vie, j’ai mis fin à cette conversation.
Concernant la sentence, qu’attendez-vous ?
Je m’attends à une sentence exemplaire, je veux qu’un message clair soit envoyé, que de s’en prendre à un officier de justice, c’est grave, dans un État de droit.
J’entendais beaucoup avant, dans des reportages sur des victimes d’actes criminels qui témoignent après les sentences, le besoin de reconnaissance.
Je ne pensais pas que c’était aussi puissant, lorsqu’on est victime d’un acte criminel. On en a besoin dans notre chemin de vie. D’autant plus dans un contexte où j’ai l’impression que j’ai travaillé toute ma vie à la protection de ce système, à la valorisation de l’État de droit…
Où j’ai véhiculé à mon entourage l’importance d’avoir confiance en nos institutions. Je ne suis pas le seul avocat à avoir vécu ça. Une avocate en droit criminel, Place d’armes, a déjà reçu un cocktail Molotov dans l’accueil de son bureau.
Ce n’est pas normal qu’au Québec, ces choses arrivent. Avant de s’en prendre à un avocat ou à un officier de justice en général, il me semble qu’il faudrait que les gens y pensent à deux fois. Il ne semble plus y avoir cette barrière-là dans la réflexion de certains.
Bibliographie :
Appel à la justice de l’État/Avertissement,Le livre .
L’indépendance de la justice,Ouvrage .
Zoopolis,(la couverture) .