Voilà qui va vous convenir : Un nouveau post que notre équipe vient de relever sur le web et que nous vous proposons ci-dessous. La thématique est « la justice ».
Son titre (une victoire pour la justice internationale ?) parle de lui-même.
Annoncé sous la signature «d’anonymat
», l’éditorialiste est connu et fiable.
Il n’y a pas de raison de douter du sérieux de ces infos.
Le papier a été édité à une date mentionnée 2023-03-26 11:05:00.
L’article d’origine dont il s’agit :
Pour la première fois de son histoire, qui a débuté il y a plus de vingt ans, la Cour pénale internationale (CPI) a émis le 17 mars dernier un mandat d’arrêt contre le dirigeant d’une puissance nucléaire et membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies : Vladimir Poutine. Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l’enfant au cabinet du président russe, fait, elle aussi, l’objet d’un mandat d’arrêt. Ils sont suspectés de déportation et transfert illégaux d’enfants ukrainiens vers la Russie. Selon le gouvernement ukrainien, plus de 16 226 enfants auraient été déportés depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022.
Alors que la CPI a longtemps été accusée de lenteur et de ne s’en prendre qu’« aux plus faibles », venant souvent du continent africain, ces mandats d’arrêt marquent un tournant juridique, politique et stratégique sans précédent dans l’histoire de la justice pénale internationale. Juridique d’abord, car ils envoient un message fort aux dirigeants de ce monde : la lutte contre l’impunité ne doit épargner personne. Politique ensuite, car il s’agit d’isoler davantage la Russie et son président sur la scène internationale. Stratégique enfin, car ces mandats d’arrêt seront certainement mis sur la table de futures négociations entre l’Ukraine et la Russie.
Pour autant, l’enthousiasme qu’ils ont suscité ne doit pas occulter une réalité moins glorieuse pour la Cour et son Procureur. En effet, la priorité donnée au cas ukrainien par le Procureur interroge sur sa volonté politique, ainsi que sur celle de la communauté internationale, à faire avancer certaines autres des 17 enquêtes actuellement en cours, notamment celles en Afghanistan et en Palestine.
Les motifs justifiant la délivrance de ces deux mandats d’arrêt
La CPI est une organisation internationale basée à La Haye qui a pour but de lutter contre l’impunité. Elle est chargée de juger les individus (responsables politiques, militaires ou simples exécutants) – et non les États – accusés de génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité, crime d’agression au regard du Statut de Rome, traité établissant la Cour, entré en vigueur le 1er juillet 2002 après sa ratification par soixante États. Aujourd’hui, 123 États sont membres de la Cour.
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Ni l’Ukraine ni la Russie n’ont ratifié le Statut de Rome. Pour autant, une enquête a été ouverte le 2 mars 2022 par le Procureur de la Cour, Karim Khan, sur la base de deux déclarations ad hoc de reconnaissance de la compétence de la CPI émises en 2014 et en 2015 par l’Ukraine dans le cadre du conflit dans le Donbass et de l’annexion de la Crimée par la Russie.
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Par la suite, le 22 février dernier, Khan a demandé aux juges de la Chambre préliminaire II de faire valoir sa demande de délivrance de mandats d’arrêt contre Vladimir Poutine et Maria Lvova-Belova.
Le Procureur n’a pas la possibilité de délivrer lui-même un mandat d’arrêt. Il appartient aux juges d’une chambre préliminaire de le faire, sur la base des preuves produites par le Procureur. C’est ce qu’a fait la Chambre préliminaire II le 17 mars dernier, un an seulement après l’ouverture de l’enquête du Procureur, estimant « qu’il existait des motifs raisonnables de croire que la responsabilité pénale du président Poutine et de Mme Lvova-Belova était engagée concernant la déportation illégale et le transfert d’enfants ukrainiens de zones occupées en Ukraine vers la Fédération de Russie ».
Deux étapes sont à considérer dans le processus qui a abouti à l’émission de ces deux mandats. Tout d’abord, les faits incriminés portent uniquement sur la déportation illégale et le transfert d’enfants ukrainiens, en violation des articles 8-2-a-vii et 8-2-a-viii du Statut de Rome : Poutine n’est, à ce stade, pas inculpé pour les crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine. Ensuite, les preuves fournies par le Procureur semblent suffisamment solides pour engager la responsabilité pénale de Poutine et Lvova-Belova.
Au sujet des faits incriminés, les articles 8-2-a-vii et 8-2-a-viii du Statut qualifient de crimes de guerre « la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale » et « la prise d’otages ». Il s’agit d’une incrimination initialement prévue à l’article 49 de la Convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
En Ukraine, d’après certaines ONG comme Amnesty international, des milliers d’enfants auraient été victimes de déportation et transfert illégaux vers la Russie. De son côté, le Procureur affirme qu’au moins « plusieurs centaines d’enfants » ont été « enlevés dans des orphelinats et des foyers pour enfants » afin d’être « confiés à l’adoption dans la Fédération de Russie ». De plus, durant la guerre, des décrets présidentiels ont été signés par Vladimir Poutine pour accélérer l’octroi de la citoyenneté russe à ces enfants « facilitant ainsi [leur] adoption par des familles russes ». Ces faits prouveraient « l’intention d’éloigner définitivement ces enfants de leur propre pays ».
Concernant les responsabilités pénales individuelles, Vladimir Poutine est suspecté en tant qu’auteur de ces crimes (article 25-3-a du Statut) et comme supérieur hiérarchique (article 28-b). En tant que supérieur hiérarchique, Poutine peut être « pénalement responsable des crimes commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés » (article 28-b). Quant à Maria Lvova-Belova, elle est suspectée d’être auteur de la déportation et du transfert d’enfants ukrainiens. Les dirigeants russes affirment, pour leur part, que ces opérations sont des actions humanitaires visant à protéger les enfants ukrainiens.
La priorisation du Procureur sur cette catégorie de crimes s’explique par leur « impact humain », des enfants – qui sont les personnes les plus vulnérables en temps de conflit armé – étant la cible des agissements de ces responsables russes. Enfin, l’ampleur de ces crimes a également été prise en compte dans la décision de Khan de se focaliser à ce stade sur ces seuls faits.
La nécessité de coopération des États dans la bonne exécution des mandats d’arrêt
Le Procureur a rappelé qu’il appartient à la Cour de « veiller à ce que les responsables des crimes présumés répondent de leurs actes ». Pour ce faire, il faut que les deux suspects soient remis à la Cour.
Cependant, la CPI ne dispose pas de sa propre police pour exécuter les mandats d’arrêt. Elle doit s’en remettre à la coopération de ses 123 États parties, qui ont l’obligation d’exécuter ses décisions. Dès lors, si Poutine ou Lvova-Belova venaient à se rendre sur le territoire d’un de ces États, ils devraient être arrêtés et transférés à La Haye.
Cependant, il est déjà arrivé que des États parties ne remplissent pas cette obligation. Ce fut le cas lorsque deux mandats d’arrêt avaient été délivrés en 2009 et 2010 contre Omar Al-Bachir, alors président du Soudan. Il était accusé de crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, mais avait pu voyager dans de nombreux pays membres de la Cour, en Afrique du Sud, au Kenya, au Tchad notamment, sans être inquiété (car certains États se disent attachés au principe de l’immunité des chefs d’État en exercice, pourtant non invocables devant la CPI, ce qui était le cas d’Al-Bachir lors de sa venue en Afrique du Sud par exemple).
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Après sa destitution en 2019, il a été emprisonné dans son pays. Le Soudan s’est engagé à le remettre à la CPI mais ne l’a toujours pas fait à ce jour, arguant de raisons médicales.
Qu’en sera-t-il de Vladimir Poutine ? Un État prendrait-il le risque d’arrêter et de remettre à la CPI le président d’une puissance nucléaire ? Poutine est notamment attendu en août en Afrique du Sud pour le Sommet des BRICS. Il semble peu concevable que les autorités sud-africaines arrêtent le président russe pour le remettre à La Haye…
Malgré tout, l’émission de ces mandats d’arrêt renforce la mise au ban par une partie de la société internationale de Poutine et souligne le statut d’agresseur de la Russie face aux victimes ukrainiennes. Cette décision démontre aussi que la justice pénale internationale fonctionne quand elle est soutenue politiquement et financièrement par les États. En effet, le Bureau du Procureur a reçu des soutiens financiers et humains importants de nombreux pays européens, dont la France. Enfin, l’Union européenne – qui a déjà octroyé plus de 10 millions d’euros à la Cour depuis le début de l’invasion russe en Ukraine – et les États-Unis, qui ne sont pourtant pas partie à la Cour, se sont félicités de l’annonce de la délivrance des deux mandats d’arrêt.
Cependant, si ces deux mandats d’arrêt sont une étape nécessaire au bon développement de la justice internationale, ils ne doivent pas masquer les nombreux obstacles auxquels elle est confrontée. Comment expliquer le peu d’avancées dans les enquêtes en Palestine, ouverte il y a plus de deux ans déjà, ou en Afghanistan, qui a subi de nombreuses pressions et menaces des Américains, alors que les ONG et certains organes des Nations unies ont fait état de nombreuses allégations de crimes relevant de la compétence de la Cour ? Comment convaincre les populations de ces pays de l’utilité de cette justice quand l’impunité perdure à l’encontre de certains dirigeants ? Il appartient à la CPI de répondre à ces interrogations légitimes afin de faire vivre l’universalité de son mandat de lutte contre l’impunité.
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