la Deuxième édition de la mise à jour de l’arbitrage mondial (WAU) a eu lieu du 26 au 30 septembre 2022. Ce billet met en lumière le panel sur «Bilan du processus de modernisation de l’ECT : adapté au 21e siècle ?”. Le panel était modéré par le co-fondateur de WAW José Antonio Rivas (Xstrategy LLP/Georgetown Law). Il a été rejoint par Daniela-Olivia Ghicajanu (Université de Georgetown), Luc Stifter (Président, Groupe de modernisation – Traité sur la Charte de l’énergie), Nicos Lavranos (International Dispute Resolution Arbitrator & Mediator, NL-Investmentconsulting), et Marin Carlson (Associé et co-leader de la practice Trade and Advocacy, Sidley Austin).
Quo vadis, ECT ?
Mme Ghicajanu a ouvert les discussions en donnant un aperçu général du traité sur la charte de l’énergie (« TCE »). Le TCE est un traité multilatéral de commerce et d’investissement qui est en vigueur depuis 1998 et qui fournit un cadre juridique international contraignant pour la coopération énergétique (initialement entre 54 Parties contractantes, parmi lesquelles l’Union européenne (« UE ») et EURATOM sont également inclus dans Mme Ghicajanu a souligné qu’à l’heure actuelle, le TCE est l’accord d’investissement le plus utilisé au monde, avec quelque 150 procédures arbitrales engagées en vertu du traité à ce jour.
Mme Ghicajanu a également guidé l’auditoire à travers le processus de modernisation très discuté de l’ECT, qui, à son avis, était une nécessité due, entre autres, à (i) l’interprétation et l’application incohérentes des dispositions du TCE par les tribunaux, les juridictions nationales et récemment la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) concernant le changement climatique et les objectifs nets zéro. De plus, des amendements étaient nécessaires car le TCE ne comportait pas de clause de déconnexion excluant expressément l’application du traité dans les litiges intra-UE. Le terme clause de déconnexion est couramment utilisé pour désigner une disposition d’un traité multilatéral permettant « certaines parties au traité de ne pas appliquer le traité en totalité ou en partie dans leurs relations mutuelles, tandis que d’autres parties restent libres d’invoquer pleinement le traité dans leurs relations avec ces parties” (Lac Rapport sur les conséquences de la « clause de déconnexion » en droit international en général et pour les conventions du Conseil de l’Europe, contenant une telle clause, en particulier, à 3). Les efforts de modernisation d’ECT et les sujets connexes ont déjà été longuement discutés sur le blog.
L’aperçu s’est conclu par des commentaires qui pourraient être repris plus tard dans la table ronde, y compris les derniers développements dans les tribunaux nationaux concernant l’application du TCE (Lac Mainstream Renewable Power et autres c. Allemagne, RWE c. Pays-Baset Uniper c. Pays-Bas) et la tension entre les principes de suprématie et de primauté du droit de l’Union et les principes du droit international public.
Processus de modernisation d’ECT
Alors que les discussions sur le processus de modernisation du TCE ont commencé en 2017, la première négociation n’a commencé que jusqu’en 2020. Les négociations sur la réforme du TCE ont pris fin en juin 2022. M. Stifter a expliqué que le cœur des négociations pour la modernisation du TCE était axé sur les amendements dont le TCE avait besoin pour aligner le traité sur l’Accord de Paris.
Certains des sujets les plus discutés au cours des négociations étaient (i) la définition de l’activité économique dans le secteur de l’énergie (Lac article 1.6 du TCE) et la manière dont cette activité économique concerne les « matériaux et produits énergétiques », (ii) la définition d’« investisseur » et la nécessité d’inclure une exigence commerciale substantielle, et (iii) la définition d’« investissement » et sa conformité éventuelle avec les lois de l’État d’origine.
À l’instar des discussions sur la réforme du RDIE dans d’autres forums, la transparence, la garantie des coûts, le financement par des tiers, les dommages et les réclamations frivoles ont été les principaux sujets abordés lors des négociations des dispositions du RDIE au sein du TCE. En particulier, il a noté que les dispositions relatives aux réclamations frivoles et aux obligations de financement par des tiers s’inspiraient des Règles du CIRDI. En outre, M. Stifter a estimé que la clause parapluie du TCE sera désormais limitée aux infractions concrètes et doit être exercée par l’intermédiaire de l’autorité gouvernementale habilitée à ces fins. Enfin, il convient de noter que les négociations ont clarifié une question de longue date concernant les dispositions du TCE (le cas échéant) qui ne devraient pas s’appliquer entre les membres de l’Organisation économique internationale régionale (« OIER ») en concluant, entre autresque l’article 26 du TCE modifié ne s’applique pas aux membres de l’ORIE.
Questions stimulantes sur le processus de modernisation de l’ECT
M. Rivas a demandé M. Lavranos de son point de vue sur le processus de modernisation de l’ECT. Monsieur Lavranos a noté que dans le texte divulgué du document de travail ECT il n’y a pas de périodes de transition ni de barrières pour l’application de l’article 26 du TCE qui laisse la porte ouverte à une éventuelle rétroactivité. Par conséquent, si l’article 26 du TCE, tel qu’il est libellé dans le document de travail du TCE, entre en vigueur, il convient de se demander si les décisions rendues dans des affaires conclues en vertu des dispositions actuelles du TCE pourraient être pleinement exécutées et reconnues à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. L’application rétroactive de l’article 26 du TCE est un risque latent et la jurisprudence de la Cour européenne suggère qu’une application rétroactive est une possibilité, comme cela s’est produit dans le Ahmée décision, par exemple.
En outre, une question valable pour les affaires en cours ou futures est de savoir si les investisseurs auraient des attentes légitimes, du point de vue de l’État de droit, sur la reconnaissance et l’exécution des sentences. Si des affaires sont conclues après l’entrée en vigueur des dispositions modifiées du TCE, les tribunaux nationaux de l’UE pourraient ne pas reconnaître ces sentences – même s’il s’agit de sentences CIRDI – en invoquant éventuellement des raisons d’ordre public. Néanmoins, M. Lavranos a noté que les sentences CIRDI, d’une manière générale, devraient fournir une base juridique plus solide pour l’exécution devant les tribunaux nationaux, au moins en dehors de l’UE, par exemple, dans le micule affaire, la Cour suprême du Royaume-Uni a jugé, entre autresce »les sentences arbitrales en vertu de la Convention CIRDI devraient être exécutoires devant les tribunaux de tous les États contractants et avoir le même statut qu’un jugement définitif des tribunaux locaux de ces États (…) » (au par. 70). Cependant, les sentences non CIRDI pourraient poser un problème, peut-être en raison de l’exception d’ordre public prévue par la Convention de New York.
ECT à l’avenir
Mme Carlson a commencé son intervention en mentionnant que l’ensemble du processus de modernisation de l’ECT a été réalisé dans un délai remarquablement court pour un accord multilatéral. Elle a souligné que le Komstroy Cette affaire, qui est pertinente pour la discussion sur le processus de modernisation du TCE, ne concerne pas un différend intra-UE sur le TCE, mais un différend impliquant un État non membre de l’UE et un investisseur d’un pays tiers. M. Rivas mentionné que dans certains cas, comme Komstroyla Cour de justice de l’UE (CJUE) ne s’est pas appuyée sur la Convention de Vienne sur le droit des traités, mais sur le principe de suprématie du droit de l’UE sur une norme internationale apparemment contradictoire.
Il est probable que la reconnaissance et l’exécution des sentences rendues dans le cadre des dispositions actuelles du TCE seraient poussées vers les États-Unis, le Royaume-Uni ou toute autre juridiction en dehors de l’UE, par exemple la Turquie. Cependant, les tribunaux américains pourraient hésiter à appliquer rétroactivement l’article 26 du TCE. S’opposer à la reconnaissance ou à l’exécution des sentences dans les tribunaux nationaux non européens en s’appuyant rétroactivement sur les dispositions du RDIE et les lois de l’UE pourrait être une tâche difficile (Lac la saga Micula comme précédemment couvert sur le Blog).
Mme Carlson demandé si les pays qui ont retiré le TCE comme l’Italie – qui est maintenant sous la clause d’extinction – bénéficieraient de tous les amendements et des dispositions améliorées du traité sur le TCE ou s’ils auraient à défendre leurs différends en vertu des « anciennes » dispositions du TCE.
Mot de la fin
Jusqu’à aujourd’hui, les Pays-Bas, l’Espagne et la Pologne ont signalé leur intention de se retirer du TCE et, plus récemment, la France, la Slovénie et l’Allemagne ont également annoncé qu’ils retireraient le traité. Maintenant que la réforme du TCE est achevée, son aboutissement comporte divers aspects tels que l’augmentation du niveau de protection des investissements, la fin apparente des applications intra-UE sous le TCE, ainsi que le renforcement des dispositions environnementales et sociales. Toutefois, lors de l’évaluation du résultat du TCE modifié, le paysage politique actuel de l’UE doit être pris en considération.
Les cas d’arbitrage commercial dans le secteur de l’énergie sont susceptibles d’augmenter, et puisque l’UE cherche à favoriser l’investissement dans les énergies renouvelables, une question clé est de savoir si les investisseurs sont – ou non – mieux lotis par le TCE. Enfin, il reste à voir comment les tribunaux nationaux de l’UE et des pays tiers concilieraient les principes régionaux de suprématie et d’autonomie du droit de l’UE avec les principes du droit international public.
La vidéo complète du panel est disponible ici.
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