Evolutions récentes du droit européen de la consommation : limites à l’action en restitution après annulation pour caractère abusif de la durée

Par un arrêt du 25 janvier, la Cour de Justice (CJUE) s’est prononcée sur les conséquences de l’annulation d’une clause abusive dans les contrats de prêt hypothécaire et notamment sur les limitations dont peut être soumise une action en restitution.

Le Tribunal provincial de Barcelone a saisi la CJUE de trois affaires jointes traitant des mêmes circonstances. Les consommateurs ont conclu des contrats de prêt hypothécaire au début des années 2000 avec des institutions bancaires espagnoles. Les frais de notaire et d’administration liés à ces contrats leur ont été facturés. Tous ont intenté un recours en annulation du délai de mise en accusation devant le tribunal de première instance de Barcelone, après un peu plus de dix ans. Les banques, au contraire, ont objecté que l’action était prescrite en raison du délai de prescription de dix ans prévu à l’article 121-20 du Code civil catalan. Dans tous les cas sauf un, le tribunal a rejeté la demande de prescription (et a condamné le remboursement des sommes) et les affaires sont arrivées en appel devant le Tribunal provincial de Barcelone, juridiction de renvoi.

La jurisprudence de la Cour de justice n’exclut pas qu’une action en restitution puisse être soumise à certaines limitations : la question qui se pose est plutôt de savoir à quelles limitations.

En particulier, la juridiction de renvoi demande si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur les clauses abusives dans les contrats doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une interprétation judiciaire du droit national selon laquelle, après l’annulation d’une clause comme celle en cause , une action en restitution est soumise à un délai de prescription de 10 ans qui commence à courir à partir du moment où le terme épuise ses effets (c’est-à-dire lorsque le dernier paiement est effectué), sans qu’il soit pertinent que le consommateur ait conscience du caractère abusif de ce terme et, « dans l’affirmative, si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens que ces connaissances doivent être acquises avant le début du délai de prescription ou avant son expiration » (point 41).
Pour répondre à cette question, la Cour commence par rappeler sa jurisprudence en matière de prescription : à condition que les consommateurs se voient garantir une efficacité d’équivalence dans l’exercice des droits qu’ils tirent de la directive 93/13 (c’est-à-dire qu’il n’est pas impossible en pratique d’exercer de tels droits) , une action en restitution peut ainsi être limitée dans le temps (voir BNP Paribas Personal Finance, C-776/19 à C-782/19).

La jurisprudence concernant le délai de prescription en cause au principal, observe la Cour, a établi que pour apprécier si les consommateurs ont eu la possibilité d’exercer les droits qui leur sont conférés par le droit de l’Union, il faut évaluer la durée du délai de prescription. (dix ans), et le « mécanisme adopté pour démarrer la période en cours » (paragraphe 46). Pour que le délai de départ soit conforme au principe d’effectivité, le consommateur doit avoir eu « la possibilité de prendre connaissance de ses droits avant que ce délai ne commence à courir ou n’expire » (paragraphe 48). Chaque fois que, comme dans les cas en cause, le consommateur n’a pas connaissance du caractère abusif d’une clause – qu’il ait ou non connaissance de l’existence des clauses, le délai de prescription ne peut pas commencer à courir. L’appréciation juridique est donc déterminante. La Cour poursuit et précise que non seulement le consommateur doit avoir connaissance des droits qu’il détient, mais qu’il doit également disposer « d’un temps suffisant pour pouvoir préparer et intenter efficacement une action en vue de faire valoir ces droits ». (paragraphe 50).

La Cour a ainsi jugé que les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de l’UCTD doivent être interprétés comme excluant certainement une interprétation judiciaire du droit national qui permettrait au délai de prescription de commencer à courir avant que le consommateur ne sache que la clause est abusive.

La question du tribunal catalan comportait une deuxième partie : la condition relative à la connaissance par le consommateur du caractère abusif de la clause est-elle remplie lorsqu’il existe une jurisprudence nationale établie en la matière ?

La Cour répond à la question par la négative, en se référant au principe qui est au cœur même du droit de la consommation, à savoir l’asymétrie d’information entre les consommateurs et les entreprises. Si les entreprises, de par leur profession, sont présumées très informées y compris sur la jurisprudence relative aux contrats et à la durée précise en cause, il ne peut en être de même pour les consommateurs « compte tenu du caractère occasionnel, voire exceptionnel, de la conclusion du contrat ». un contrat contenant une telle clause » (paragraphe 60).