The Arctic Sunrise II – L’ISA a-t-elle une « compétence d’application » en haute mer ? – EJIL : Parlez !

Le 28 novembre 2023, le secrétaire général de l’Autorité internationale des fonds marins (ISA) a émis des ordonnances de « mesures temporaires », conformément au règlement 33 (c’est-à-dire les ordonnances d’urgence) du Règlement sur la prospection et l’exploration des nodules polymétalliques (Règlement sur les nodules polymétalliques). . Les mesures ont été émises à la suite d’un incident impliquant un sous-traitant de l’ISA, Nauru Ocean Resources Inc (NORI), et le navire de Greenpeace, le Lever du soleil sur l’Arctique.

Ces mesures et le comportement général du secrétaire général de l’ISA soulèvent certaines questions concernant l’éventuelle extension de la compétence de l’ISA. Ce poste souhaite examiner les mesures émises par l’ISA et sa capacité à émettre de telles mesures dans un premier temps.

Contexte factuel

NORI, parrainé par Nauru, a obtenu en 2011 un contrat d’exploration concernant les nodules polymétalliques dans les fonds marins profonds de la zone Clarion-Clipperton.

Les 25 et 26 novembre 2023, NORI a informé l’ISA que des militants de Greenpeace International avaient perturbé ses activités d’exploration, qui comprenaient la collecte de données et d’observations scientifiques et environnementales. Lors de l’incident, des militants de Greenpeace sont montés à bord du navire d’exploration. MV Coco sans autorisation et a grimpé jusqu’au sommet du cadre en A à l’arrière du navire. Dans son rapport à l’ISA, NORI affirmait que le comportement de Greenpeace et son ingérence dans les opérations d’exploration avaient entraîné un risque important pour la sécurité (voir ici).

Tout en affirmant être engagé dans des « manifestations pacifiques en mer », Greenpeace n’a pas nié avoir interféré avec les opérations du navire et ignoré les demandes de maintenir une distance de sécurité avec le navire. MV Coco. Le secrétaire général de l’ISA a observé que la conduite du navire de Greenpeace « … pose à première vue une menace sérieuse à la sécurité des personnes présentes dans la zone d’exploration et à l’environnement marin ».

En réponse, le Secrétaire général a pris des mesures temporaires, qui consistent par exemple à maintenir une distance de sécurité entre les navires, à débarquer les MV Cocos’abstenir d’interférer avec le fonctionnement de MV Cocoet faire rapport à l’ISA.

L’ISA est compétente pour prononcer des mesures temporaires

Comme mentionné, l’ISA a émis les mesures temporaires conformément au règlement 33 (« ordonnances d’urgence ») du règlement sur les nodules polymétalliques. Les actions de l’ISA soulèvent certaines questions quant à la capacité et à la compétence de l’ISA dans ce cas spécifique.

Premièrement, alors que le MV Coco était engagée dans l’exploration des fonds marins profonds, qui est réglementée par l’ISA conformément à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), les activités de la Lever du soleil sur l’Arctique ont été menées en haute mer, qui ne relève pas de la juridiction de l’ISA. Il est vrai que l’objectif de Greenpeace était d’arrêter les opérations liées aux fonds marins, mais le comportement réel a porté atteinte à la liberté de la haute mer (arraisonnement non autorisé, UNCLOS, art. 87) et aux problèmes de responsabilité qui y sont liés (endommagement du navire). Ces questions ne relèvent pas de la capacité de l’ISA de réglementer (par exemple, UNCLOS, art. 157).

Deuxièmement, la situation elle-même et les mesures prises ne semblent pas correspondre au règlement 33. Ce règlement traite de la relation entre l’ISA et l’entrepreneur en cas d’incident qui a causé ou menace de causer des dommages graves au milieu marin ; il ne confère pas à l’ISA compétence à l’égard des tiers.

En outre, comme mentionné, en vertu du Règlement 33, des ordonnances d’urgence peuvent être émises « pour prévenir, contenir et minimiser les dommages graves ou la menace de dommages graves au milieu marin ». Malgré les observations ci-dessus du Secrétaire général, hormis les affirmations de NORI, il n’existe aucune preuve que les normes élevées de protection réelle ou potentielle atteinte grave au milieu marin ce qui s’est passé dans ce cas. Aborder le navire et éventuellement l’endommager n’affecte pas nécessairement le milieu marin. Même si cela peut affecter la sécurité du navire, il semble qu’il n’y ait pas d’effet direct sur le milieu marin. Un risque potentiel ou théorique ne semble pas répondre aux normes d’exercice du Règlement 33.

Enfin, les mesures prises semblent sortir du champ d’application du Règlement 33. Les mesures conformes au Règlement 33 doivent viser à « prévenir, contenir et minimiser les dommages graves ou la menace de dommages graves au milieu marin ». Cependant, les mesures prises dans cette affaire semblent être essentiellement une « ordonnance restrictive » à l’encontre des militants de Greenpeace, semblable au droit pénal national, plutôt qu’une mesure relative à la protection de l’environnement marin. En outre, il n’existe aucun lien raisonnable entre ces mesures et ce que l’on appelle la « menace immédiate et urgente » (c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de mesures urgentes).

Remarques finales

Le droit international n’interdit pas les manifestations en haute mer. Cependant, la liberté de la haute mer doit être exercée dans le respect des droits des autres États (UNCLOS, art. 87). Il ne fait aucun doute que Greenpeace a violé la liberté de la haute mer et d’autres règles du droit international en abordant le MV Coco non autorisé et endommageant le navire.

Cependant, les mesures prises par l’ISA pour remédier à cet incident ne semblent pas relever de sa compétence ou de son autorité en vertu du Règlement sur les nodules polymétalliques. En outre, l’ISA a exercé sa compétence à l’égard d’une zone maritime ou de comportements qui dépassent globalement ses capacités, agissant ainsi ultra vires. L’ISA a essentiellement pris sur elle ce qui est une obligation des États : demander l’intervention de l’État du pavillon.

Mis à part les questions sur sa capacité, il n’y a pas besoin pour que l’ISA intervienne dans cette affaire. Premièrement, le Danemark, en tant qu’État du pavillon MV Coco, peut et doit résoudre cette question diplomatiquement vis-à-vis des Pays-Bas. Le Danemark peut également introduire une plainte contre les Pays-Bas pour ne pas avoir rempli ses obligations en tant qu’État du pavillon de garantir que les navires battant son pavillon respectent les règles pertinentes en matière de sécurité en mer (CNUDM, art. 94).

Deuxièmement, une fois monté à bord du MV Coco, Les militants de Greenpeace sont sous la juridiction du Danemark en tant qu’État du pavillon (UNCLOS, art. 91, 94). De plus, le capitaine du navire du MV Coco peut détenir des passagers illégaux (par exemple, ici). Encore une fois, l’ISA s’est mise à la place de l’État, sans avoir une réelle influence ni obtenir de véritables réparations.

En conclusion, le droit international et d’autres autorités, y compris les États du pavillon, ont la capacité de lutter contre les infractions en haute mer. Cependant, l’ISA n’est pas le forum approprié pour aborder de telles questions.