Diamedica Therapeutics Inc contre Pharmaceutical Research Associates Group BV NCC22/018 ECLI:NL:RBAMS:2023:2540 met en évidence les implications de Rome I troublées à mon humble avis pour les droits de propriété par opposition aux droits contractuels. Je jugement a été rendu par le NCC, le tribunal de commerce néerlandais. (L’origine NCC explique également le jugement déjà disponible en anglais).
La demande porte sur la revendication par PRA de documents et de données numériques relatifs aux essais cliniques concernant un médicament développé par DiaMedica. Le tribunal a estimé que si la relation contractuelle entre les parties est régie par les lois de l’État de New York en tant que lex voluntatis (la loi que les parties ont choisi d’appliquer au contrat), le droit néerlandais régit la question de savoir si un droit de propriété peut être créé sur les documents et données situés aux Pays-Bas.
Dans l’examen des questions de droit applicable, la Cour manque à mon avis de la clarté d’approche requise dans ce domaine, d’autant plus que l’approche d’un État vis-à-vis des données numériques est clairement un élément important dans l’attractivité de son droit des contrats pour le secteur.
[4.5] la Cour estime que, conformément à l’article 3(1) Rome I, la lex voluntatis, les lois de New York, couvre l’interprétation de l’accord. Cela inclut l’existence d’un droit de suspendre les obligations contractuelles, ici : si PRA peut conserver les Documents ou suspendre la remise des Documents afin de garantir le paiement de sa facture finale. Il tient également cependant que l’existence d’un droit de propriété (notes de bas de page omises)
n’est pas une question de contrat mais une question de droit de propriété. Le règlement Rome I n’est pas applicable. Comme il n’existe aucun traité ou règlement régissant cette question, les règles du droit international privé néerlandais s’appliquent. En vertu de l’article 10:127(1) du Code civil néerlandais (DCC), le régime du droit de propriété relatif aux choses est, en règle générale, la loi de l’État sur le territoire duquel la chose est située (le lex rei sitae). La «chose» en question sont les documents qui sont situés aux Pays-Bas. Par conséquent, le droit néerlandais régit la manière dont les droits réels naissent, si de tels droits peuvent être créés et, dans l’affirmative, quelles sont les conditions pour un transfert ou une création de droits (article 10:127(4) DCC). De même, la question de savoir si une action en revendication peut être intentée et, le cas échéant, par qui, est régie par la lex rei sitae. D’où : loi néerlandaise.
conduisant à une conclusion en faveur de DiaMedica sur la base du droit néerlandais.
Le fond de l’affaire n’intéresse pas ce blog : l’identification du droit applicable au droit de propriété, l’est. L’analyse de la CCN montre la difficulté de l’insatisfaisant à mes yeux, s’il semble solidement enraciné (voir le Rapport Guiliano-Lagarde très succinctement p.10 ; Dicey 33-033 et 33-054 ; d’autres ouvrages de référence s’y intéressent moins) conclusion que les droits de « propriété » ne sont pas visés par le règlement, mais uniquement les droits contractuels. Voir ici nota bene pour un avis de Vlas AG pour la Cour suprême néerlandaise, signalant que dans les affaires de restitution, l’analyse peut être plus compliquée que ne le suggère le NCC dans l’affaire actuelle.
Dans la discussion sur les actifs numériques en particulier (voir par exemple ici concernant les travaux d’UNIDROIT sur le même sujet, et ici pour le document de la UK Law Commission), l’élément des droits de propriété est certainement essentiel. À mon avis, cela donne aux États dont la lex voluntatis couvre également les aspects de propriété (comme sans doute les règles résiduelles de droit international privé de la Belgique) un avantage en matière de concurrence réglementaire dans le domaine.
Nota bene juste ce matin, le professeur Lehmann a publié un article sur la question plus large, appelant les gens à ne plus se concentrer sur l’analyse de la propriété. Rebus sic stantibus cependant, la question de la pertinence en l’espèce demeure : les parties, à mon avis, feraient bien d’identifier une lex contractus qui englobe les droits de propriété dans l’autonomie des parties. Exceptionnellement peut-être et très probablement pas à dessein, cela fait des lois telles que celles de la Belgique, un gagnant clair (que ce soit en tant que lex contractus pour l’ensemble du contrat ou simplement, par voie de dépeçage, pour les seuls aspects de propriété).
Geert.