Par la guilde Elspeth
Article de blog 25/2024
Le 18 avril 2024, la Commission européenne a publié une recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations en vue d’un accord entre l’UE et le Royaume-Uni sur la mobilité des jeunes. C’est la première fois depuis la signature de l’accord de commerce et de coopération (TCA) en 2021 que l’UE propose la conclusion d’un cadre juridique pour la mobilité des personnes entre l’UE et le Royaume-Uni. La libre circulation des personnes a cessé entre les deux pays à partir du 1er janvier 2021. Depuis lors, l’exode des ressortissants de l’UE vers le Royaume-Uni se poursuit : 87 000 ressortissants de l’UE de plus ont quitté le Royaume-Uni qu’ils n’y sont arrivés en 2023 (COM(2024)169 p. 2 ). Les étudiants ressortissants de l’UE arrivant au Royaume-Uni ont diminué de 50 %.
En réponse à ce paysage changeant de la mobilité, en 2023, le gouvernement britannique a contacté certains États membres (mais pas tous) au sujet d’une éventuelle négociation de modalités de mobilité des jeunes basées sur la législation nationale britannique en vigueur. Cette action unilatérale a incité la Commission à demander au Conseil un mandat de négociation pour bloquer d’éventuels accords bilatéraux entre le Royaume-Uni et certains États membres à l’exclusion d’autres. Cela est conforme à la position du Conseil adoptée le 23 mars 2018, selon laquelle tout futur partenariat entre l’UE et le Royaume-Uni en matière de mobilité des personnes devrait être fondé sur la pleine réciprocité et la non-discrimination entre les États membres.
En raison des bouleversements que la décision de quitter l’UE a provoqué dans la classe politique britannique, y compris, entre autres, un changement de Premier ministre, alors que le Royaume-Uni s’était intéressé à la mobilité des jeunes en 2018, en 2019, le gouvernement n’était plus disposé à d’inclure cela dans le TCA. Cela signifie que la mobilité des jeunes entre les deux pays a été réglementée par le droit national au Royaume-Uni et par un mélange de droit européen et national dans les États membres. Le Royaume-Uni dispose depuis longtemps d’un programme de mobilité des jeunes limité aux jeunes, ressortissants des pays spécifiés dans les règles d’immigration, âgés de 18 à 30 ou de 18 à 35 ans, selon le pays dont la personne est ressortissante, et limité à deux années. Aucun pays de l’UE n’est inclus dans cette catégorie (bien qu’Andorre, l’Islande, Monaco et Saint-Marin le soient).
La Commission propose qu’un nouvel accord sur la mobilité des jeunes fasse partie du cadre du TCA et reste neutre quant à savoir s’il s’agirait d’un accord uniquement européen ou mixte, ce qui sera déterminé à la fin des négociations. De même, elle considère que la base juridique de l’accord ne devrait être déterminée qu’à la fin des négociations. Aucune de ces questions ne suscitera probablement l’enthousiasme du Conseil, qui souhaitera peut-être que la Commission soit plus clairement chargée de ce qui peut être négocié. La Commission considère que seul un accord formel entre le Royaume-Uni et l’UE permettra d’atteindre l’objectif consistant à assurer la sécurité juridique et à résoudre la question de la non-discrimination. Il affirme que seule une « entente mutuelle contraignante sous la forme d’un accord international formel » peut garantir la sécurité juridique. Néanmoins, la Commission envisage que l’accord viendrait compléter le TCA et ferait partie de son cadre institutionnel unique et uniforme, comprenant des règles de règlement des différends.
Pour les jeunes de l’UE et du Royaume-Uni, cela constituerait un cadre plutôt insatisfaisant en raison de l’article 5 du TCA. Celui-ci stipule que (à une seule exception pour la sécurité sociale) « rien dans le présent Accord ou dans tout accord complémentaire ne sera interprété comme conférant des droits ou imposant des obligations à des personnes autres que celles créées entre les Parties en vertu du droit international public, ni comme permettant au présent Accord ou tout accord complémentaire devant être directement invoqué dans les systèmes juridiques internes des parties. Ainsi, les jeunes cherchant à exercer leurs droits à la mobilité en vertu d’un nouvel accord ne pourraient pas s’appuyer sur un tel accord s’il était adopté dans ce cadre. Ce problème ne pourrait être résolu que si l’article 5 était également modifié pour exclure de son champ d’application non seulement la sécurité sociale mais également la mobilité des jeunes.
La Commission propose que le champ d’application de l’accord couvre douze domaines. Premièrement, le champ d’application personnel serait limité aux citoyens de l’UE et du Royaume-Uni âgés de 18 à 30 ans. La durée du séjour serait de quatre ans maximum. Il n’y aurait aucune limitation de finalité à la mobilité, les jeunes pourraient étudier, travailler ou simplement visiter s’ils le souhaitent. Il n’y aurait pas de quota sur cette catégorie. Les conditions applicables à la catégorie doivent s’appliquer tout au long du séjour de la personne. Les motifs de refus seraient précisés. La catégorie serait soumise à une procédure d’autorisation préalable (c’est-à-dire un visa spécifique à obtenir avant l’arrivée). Pour les citoyens britanniques, leur mobilité serait limitée au seul État membre dans lequel ils ont reçu une autorisation (laissant ouverte la question de savoir si les périodes sont cumulatives ou consécutives dans différents États membres). L’égalité de traitement en matière de salaires et de conditions de travail ainsi que les règles de santé et de sécurité doivent être respectées sur la base de la non-discrimination avec les nationaux. Cela peut également inclure certains aspects de l’éducation et de la formation, des avantages fiscaux, etc. Il est notamment prévu d’assurer l’égalité de traitement en ce qui concerne les frais de scolarité pour l’enseignement supérieur. Cela signifierait que les étudiants européens souhaitant étudier dans des universités britanniques dans le cadre du programme de mobilité des jeunes ne paieraient que des frais de scolarité dans leur pays d’origine, qui sont considérablement moins chers que les frais de scolarité actuellement applicables pour les étudiants étrangers. Il est intéressant de noter que la Commission a proposé que cette disposition relative aux frais d’étudiant à domicile s’applique à tous les étudiants de l’UE au Royaume-Uni, y compris ceux qui arrivent avec un visa d’étudiant plutôt qu’avec un visa de mobilité pour les jeunes. Le « supplément de soins de santé » du Royaume-Uni serait également supprimé pour cette catégorie. Enfin, il faudrait préciser les conditions d’exercice du regroupement familial.
La Commission prévoit que tout programme de mobilité des jeunes ne porte pas préjudice aux autres voies légales de migration et aux règles de l’UE sur le statut de résident permanent ou de longue durée.
Pour l’UE, un tel programme de mobilité des jeunes entre le Royaume-Uni et l’UE viendrait s’ajouter à un domaine déjà assez complexe de compétences de l’UE. La directive sur les étudiants et les chercheurs couvre les conditions d’entrée et de séjour à des fins de recherche, d’études, de formation, de service volontaire, de programmes d’échange d’élèves ou de projets éducatifs et au pair. Cela couvrirait certainement une grande partie de ce qui est prévu en matière de mobilité des jeunes. Toutefois, la Commission ne semble pas disposée à utiliser l’article 79, paragraphe 2, points a) et b), du TFUE, qui constitue la base de cette directive, aux fins de cette initiative. L’une des raisons est que toutes les catégories de personnes couvertes par cette directive ont besoin d’un parrain (qui peut être une université, un employeur ou un établissement de formation) au sein d’un État membre qui est aux prises avec diverses obligations à l’égard du ressortissant d’un pays tiers pour veiller à ce qu’ils respectent les conditions générales d’immigration. Une telle approche de parrainage n’est pas envisagée par la Commission pour la mobilité des jeunes entre le Royaume-Uni et l’UE. En outre, l’objectif de la Commission est d’assurer la réciprocité entre les parties et la non-discrimination entre les États membres et leurs ressortissants. Ce n’est pas un élément de la directive. Ainsi, un nouvel accord semble être l’approche privilégiée – la Commission semble préférer l’approche de « libre circulation » plutôt que celle parrainée. Cependant, comme mentionné ci-dessus, si l’objectif est d’offrir une sécurité juridique aux jeunes Européens en ce qui concerne les déplacements entre l’UE et le Royaume-Uni, le TCA ne semble pas non plus être un outil approprié dans la mesure où il rejette spécifiquement cette sécurité juridique en refusant le droit de aux particuliers de se prévaloir de ses dispositions devant les autorités ou tribunaux des parties.
Au moment de la rédaction de cet article, on ne sait pas exactement comment le Conseil abordera cette proposition. Il semblerait que certains États membres (la Hongrie en est un) ne soient pas enthousiastes à l’idée que leurs jeunes qualifiés soient incités à aller au Royaume-Uni plutôt que de rester chez eux. Mais la majorité semble très positive à l’égard de toute mesure visant à normaliser la mobilité entre les deux partis.