Il a fallu 16 ans de négociations à l’Inde et à l’Association européenne de libre-échange (« AELE »), composée de la Suisse, de la Norvège, de l’Islande et du Liechtenstein, pour parvenir à un accord. un accord de libre-échange (« ALE »). Le nouvel ALE devrait accroître les niveaux de commerce existants entre les deux pays. Le formel Le nom de l’accord signé est l’Accord de partenariat commercial et économique (« TEPA »). Cependant, dans cet article, j’y fais référence comme un ALE pour deux raisons. Premièrement, le TEPA contient tous les traits habituels que l’on associe généralement à un ALE, comme la libéralisation du commerce des biens et des services et la présence de dispositions sur la propriété intellectuelle et les marchés publics. Deuxièmement, le terme ALE est un acronyme familier utilisé dans la littérature sur le droit économique international pour décrire de tels accords commerciaux. Cet article se concentre sur deux caractéristiques saillantes du chapitre 7 sur « la promotion des investissements et la coopération » : l’obligation de l’AELE d’investir en Inde ; et le droit de l’Inde de rééquilibrer ses concessions au cas où les investissements des pays de l’AELE ne porteraient pas leurs fruits.
Mais avant d’examiner ces caractéristiques saillantes, il est pertinent d’observer trois faits clés. Premièrement, il s’agit du premier ALE que l’Inde a signé au cours des dernières années et qui contient un chapitre distinct quelque peu détaillé sur l’investissement. Les récents ALE de l’Inde avec des pays comme les Émirats arabes unisMauriceet l’Australie ne contiennent pas de dispositions détaillées sur l’investissement. L’Inde a consciemment suivi une pratique consistant à dissocier le droit international de l’investissement du droit commercial international dans ses ALE. Cette approche diffère de la pratique de l’Inde en matière d’ALE dans les années 2000, lorsque ce pays a signé des accords commerciaux comprenant un chapitre détaillé sur la protection des investissements avec un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (« RDIE »). Deuxièmement, le chapitre sur l’investissement de l’ALE Inde-AELE traite uniquement de la promotion et de la facilitation des investissements. Il ne contient pas de fonctionnalités de protection des investissements ni de RDIE. Troisièmement, le chapitre sur l’investissement n’est pas soumis au règlement des différends prévu au chapitre 12.
Obligation d’investir
Un aspect remarquable du chapitre investissement qui a généré un immense buzz est l’engagement pris par les pays de l’AELE de réaliser des investissements directs étrangers (« IDE ») d’une valeur de 100 milliards de dollars américains en Inde au cours des 15 prochaines années (article 7.1(3)(a)). En conséquence, cet ALE est appelé un accord de 100 milliards de dollars. En outre, l’article 7.1(3)(b) suscite également un certain enthousiasme, selon lequel un million d’emplois directs seront générés en Inde dans les 15 ans suivant l’entrée en vigueur de l’ALE grâce aux IDE en provenance des pays de l’AELE. Généralement, les traités d’investissement ou les chapitres sur l’investissement des ALE ne quantifient pas le montant des IDE circulant d’un pays à l’autre ni le nombre d’emplois qu’un tel flux générera. De ce point de vue, ces dispositions sont donc novatrices et sans précédent.
Toutefois, cela ne signifie pas que les pays de l’AELE soient obligés d’investir 100 milliards de dollars en Inde en 15 ans. Plus précisément, l’article 7.1(3)(a) dispose ce qui suit :
« Les États de l’AELE s’efforceront d’augmenter les investissements directs étrangers des investisseurs des États de l’AELE en Inde de 50 milliards (de dollars américains) dans les 10 ans à compter de l’entrée en vigueur du présent accord et de 50 milliards supplémentaires (de dollars américains) au cours des 5 années suivantes. années…. »
En d’autres termes, l’obligation des pays de l’AELE en vertu de l’article 7.1(3)(a) est de « viser » à augmenter l’IDE à 50 milliards de dollars américains dans les 10 ans suivant l’entrée en vigueur de l’ALE, suivi de 50 milliards de dollars supplémentaires au cours des 5 années suivantes. années. En outre, la note de bas de page 7 de l’article 7.1(3)(a) indique que, pour qu’un niveau d’IDE aussi élevé se matérialise, l’Inde devrait être en mesure de maintenir un taux de croissance nominal du produit intérieur brut (« PIB ») de 9,5 % pour la prochaine période. 15 ans. L’article 7.1(3)(b) prévoit que les États de l’AELE « visent à » faciliter la création d’un million d’emplois en Inde.
Ces deux dispositions codifient ce que l’on appelle une obligation de comportement – une obligation de s’efforcer honnêtement d’atteindre un objectif, quel que soit le résultat. Cela diffère d’une obligation de résultat, qui nécessiterait d’atteindre un résultat spécifié. Les pays de l’AELE n’ont qu’une obligation légale : faire un effort honnête pour investir 100 milliards de dollars et créer un million d’emplois en Inde. Ils ne sont pas tenus d’atteindre ces résultats.
Rééquilibrage des concessions
L’autre aspect fascinant du chapitre sur l’investissement est que l’Inde peut retirer les concessions tarifaires accordées dans l’ALE aux pays de l’AELE si la promesse de 100 milliards de dollars d’investissement et d’un million d’emplois ne se matérialise pas. Même si l’article 7.8 reconnaît un tel rééquilibrage des concessions, ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît.
L’ALE prévoit un mécanisme permettant d’examiner si les obligations de conduite mentionnées à l’article 7.1 sont respectées. Cet examen ne sera effectué par aucun organe judiciaire mais par un sous-comité d’investissement (« ISC ») composé de représentants du gouvernement de l’Inde et des pays de l’AELE. L’ISC entreprendra l’examen en trois étapes : au plus tard 5, 10 et 15 ans après l’entrée en vigueur de l’ALE (article 7.7(3)). Si, après 15 ans, comme le prévoit l’article 7.7(6), « l’Inde considère » que « les États de l’AELE n’ont pas rempli leurs obligations de promouvoir les investissements », la première peut demander des consultations avec la seconde.
Le mot « considère » figurant à l’article 7.7 6) donne à l’Inde le droit de déterminer si les objectifs de l’accord ont été atteints unilatéralement. Cependant, pour établir cette détermination, l’Inde doit répondre si les États de l’AELE ont fait des efforts honnêtes pour investir en Inde, et non s’ils ont effectivement investi ledit montant. La difficulté pour déterminer si un pays a violé son obligation de comportement, par opposition à son obligation de résultat, réside dans l’absence d’analyse comparative. Il sera difficile de démontrer que les pays de l’AELE n’ont pas suffisamment essayé d’investir en Inde. De plus, l’Inde ne parviendra pas à s’opposer aux pays de l’AELE si elle ne parvient pas à maintenir le taux de croissance nominal du PIB requis de 9,5 pour cent.
À supposer que l’Inde décide unilatéralement que les États de l’AELE n’ont pas suffisamment essayé d’investir en Inde, le retrait des concessions tarifaires n’est pas automatique. L’Inde et les États de l’AELE doivent entamer des consultations pour résoudre les différends au moyen de mécanismes différents. Conformément aux délais prévus pour ces consultations aux articles 7.7(6) à 7.7(12), cela peut prendre environ 5 ans. Ce n’est qu’en cas d’échec de ces consultations que l’Inde a le droit de prendre des mesures correctives « temporaires » et « proportionnées » sous la forme du retrait des concessions tarifaires accordées aux États de l’AELE, comme le prévoit l’article 7.8(1). En bref, tout rééquilibrage des concessions ne peut avoir lieu que 15 ans après l’entrée en vigueur de l’ALE, plus environ 5 ans passés à régler diplomatiquement les différends.
Protection des investissements manquante
Comme indiqué, l’ALE Inde-AELE ne contient pas de mesures de protection des investissements. Il n’existe donc aucune disposition garantissant un traitement juste et équitable, le traitement national, le traitement de la nation la plus favorisée, la protection contre l’expropriation illégale, etc. Il n’existe pas non plus de mécanisme ISDS. L’ALE Inde-AELE contient un mécanisme de règlement des différends entre États, mais ce mécanisme ne s’applique pas au chapitre sur l’investissement. Cela n’est pas surprenant compte tenu de l’approche récente de l’Inde et de sa pratique conventionnelle en matière de protection des investissements et de RDIE. Après avoir été poursuivie en justice par de nombreux investisseurs étrangers, l’Inde a, il y a quelques années, unilatéralement a mis fin à la plupart de ses traités bilatéraux d’investissement (« TBI ») qui contenaient des dispositions ISDS. La résiliation unilatérale des TBI a eu un impact négatif flux d’investissements étrangers en Inde.
L’Inde a adopté une nouvelle Modèle de TBI début 2016, qui contient plusieurs éléments favorables à l’État et soumet le mécanisme ISDS à une obligation d’épuiser les recours internes pendant 5 ans. Cette exigence le rend pratiquement impraticable pour les investisseurs étrangers. Comme nous l’avons déjà souligné, l’Inde a cessé d’inclure des dispositions sur la protection des investissements et l’ISDS dans ses ALE. Ainsi, l’ALE Inde-AELE qui n’inclut pas la protection des investissements fait partie de cette tendance plus large de la pratique indienne en matière de traités d’investissement.
L’absence de protection des investissements et d’ISDS dans le chapitre sur l’investissement de l’ALE Inde-AELE revêt une importance particulière dans la mesure où les TBI de l’Inde garantissant une telle protection aux investisseurs de pays comme la Suisse et l’Islande ont été résiliés unilatéralement, dans le cadre de la répudiation par l’Inde de la plupart de ses TBI. Si l’Inde s’attend à ce que les investisseurs des États de l’AELE réalisent des niveaux d’investissement aussi élevés, elle doit inclure des dispositions de protection des investissements soit dans le cadre de l’ALE Inde-AELE, soit dans le cadre d’un traité d’investissement distinct Inde-AELE. Compte tenu des préoccupations évidentes concernant les abus réglementaires Alors que plusieurs investisseurs étrangers ont poursuivi l’Inde devant les tribunaux RDIE au cours de la dernière décennie, les investisseurs de l’AELE préféreraient protection des traités d’investissement lorsque vous investissez en Inde.
Conclusion
Le chapitre sur l’investissement de l’ALE Inde-AELE a suscité beaucoup d’enthousiasme en raison de sa nouveauté consistant à quantifier les IDE réels et les emplois qu’ils peuvent générer pour le pays en développement visé par l’accord, l’Inde. Cependant, le diable réside toujours dans les détails. Les petits caractères du texte montrent qu’il n’est pas aussi simple qu’il y paraît de savoir si des niveaux d’investissement aussi élevés seront transférés des membres de l’AELE vers l’Inde. De même, l’Inde a le droit de déterminer unilatéralement si les membres de l’AELE respectent leurs obligations d’investissement et de prendre des mesures temporaires et proportionnées pour rééquilibrer les concessions commerciales. Cela aussi n’est pas aussi simple qu’il y paraît et dépend d’un processus long et bureaucratique. Néanmoins, le chapitre sur l’investissement constitue un pas en avant non seulement dans l’approfondissement mais également dans la légalisation des relations internationales d’investissement entre les deux parties. Cela doit être renforcé en intégrant la protection des investissements et un mécanisme ISDS.