Notre équipe vient de trouver ce papier sur le thème « la justice ». Avec plaisir nous vous en apportons l’essentiel ici.
Son titre séduisant (les principales propositions pour réformer l’institution) est évocateur.
L’éditorialiste (présenté sous la signature d’anonymat
) est connu et fiable pour plusieurs autres encarts qu’il a publiés sur le web.
Les informations éditées sont ainsi jugées valides.
Le constat est accablant. Délais de jugements qui « s’allongent », insuffisance « de moyens humains », problèmes d’informatisation, surpopulation carcérale… Les États généraux de la justice, lancés en octobre dernier par Emmanuel Macron et auxquels ont participé plus de 50 000 personnes ont souligné l’état « de délabrement avancé dans lequel se trouve l’institution ».
Une situation pointée par le comité indépendant chargé de la synthèse, composé de douze personnes (magistrats, politiques, avocats, hauts fonctionnaires…) et présidé par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État. « La justice n’a plus les moyens de remplir son rôle et fait l’objet de remises en question multiples », écrit-il dans le rapport remis ce vendredi 8 juillet au président de la République et la Première ministre. Y sont formulées aussi de nombreuses préconisations qui devraient, note-t-on à l’Élysée, « inspirer la future loi de programmation » pour la justice, annoncée par Élisabeth Borne à l’Assemblée nationale.
De nombreux recrutements à prévoir
Les États généraux ont mis en exergue le « manque criant de moyens humains et matériels dans les juridictions ». Le comité estime notamment qu’il faut recruter « en cinq ans au moins 1 500 magistrats supplémentaires (en plus du remplacement des départs à la retraite) ». Et « étoffer » les équipes autour du juge avec l’embauche de 2 000 juristes assistants contractuels. Renforcer aussi les effectifs des greffiers de 2 500 à 3 000 personnes. Et apporter aux juridictions un appui administratif et technique d’au moins 2 000 agents.
Un rattrapage indemnitaire est également préconisé, les agents du ministère de la Justice étant « sensiblement moins bien payés » que ceux d’autres administrations à niveau de grade et de compétences équivalents, relève le rapport. Il juge par ailleurs que la gestion des ressources humaines est « à professionnaliser ».
Efficacité et cohérence des ressources en région
L’organisation judiciaire fait débat : « Il n’y a pas de lien clair entre la budgétisation et l’activité des juridictions ». Pour y remédier, le comité ne propose pas de regroupement « autoritaire » des tribunaux judiciaires sur une base départementale ou des cours d’appel au niveau régional. Il souhaite seulement que « se poursuivent des démarches concertées de fusions de juridictions qui laissent subsister tous les sites judiciaires ». Et suggère d’aligner la carte régionale judiciaire sur celle des treize régions administratives. Chacune disposant alors d’un budget opérationnel pour « plus d’efficacité et de cohérence des ressources ».
La première instance à renforcer
Les jugements des tribunaux judiciaires sont de plus en plus contestés. Avec pour conséquence des procédures « allongées » et des cours d’appel « saturées ». À l’inverse de cette tendance, le comité estime que la première instance « doit être le lieu où la justice est prioritairement rendue ». Et appelle à y « orienter l’essentiel des efforts humains (dont des magistrats expérimentés) et matériels ». Réclamant aussi le « retour de la collégialité (formation de plusieurs juges), gage d’une justice de qualité ».
Une « véritable politique publique de la justice civile »
Le comité préconise « de construire une véritable politique publique » de la justice civile, qui tranche les litiges entre personnes privées (affaires familiales, de voisinage, avec un artisan, etc.) et représente la majeure partie de l’activité judiciaire (près de 2,3 millions de décisions rendues par an). Il estime indispensable de « revaloriser le travail des magistrats par la réhabilitation de la collégialité et une priorité donnée à la première instance ». En outre il appelle de ses vœux une « responsabilisation des parties avec un renforcement la prise en charge des frais d’avocat par la partie perdante ». Par ailleurs, le rapport, « favorable au développement des modes alternatifs de règlement des différends », insiste sur la « nécessité d’appuyer ce développement sur une démarche cohérente et organisée ».
Un tribunal des affaires économiques pour l’ensemble des acteurs
En matière de justice économique, le comité souscrit à l’expérimentation d’un « tribunal des affaires économiques, pour l’ensemble des acteurs économiques, quel que soit leur statut (professions libérales, agriculteurs, etc.) ». Et propose notamment « d’accroître la participation des parties au financement de la justice, à travers l’expérimentation d’une dérogation au principe de gratuité de celle-ci ».
Le maintien du juge d’instruction
Au pénal, le comité s’est prononcé en majorité contre la suppression du juge d’instruction, « au regard de son apport estimé décisif dans les affaires les plus complexes ». Il se prononce aussi pour une réécriture du code de procédure pénale aujourd’hui « excessivement complexe » et « illisible ». Mais rappelle que « l’impératif de simplification ne saurait conduire à remettre en cause la garantie des droits ». Estimant notamment que le « pouvoir de sanction autonome du parquet a atteint ses limites ».
Supprimer la cour de justice de la République
Le rapport propose de supprimer la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger des membres d’un gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Et d’aligner le statut des ministres sur le régime de droit commun, « sous réserve de l’institution d’un dispositif de filtrage » pour éviter notamment que « l’action publique ne soit pas inhibée ».
Sur les questions institutionnelles, le comité rappelle qu’il « reste attaché à l’unicité du corps judiciaire ». Il propose de conférer au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) un « pouvoir d’avis conforme sur les propositions de nomination des magistrats du ministère public, ainsi que sur les sanctions disciplinaires ».
Favorable à une régulation de la population carcérale
En matière pénitentiaire, le comité entend limiter le recours à la prison. « La peine ne doit pas se limiter à une sanction, par privation de liberté […] mais doit également, en garantissant un suivi individualisé et pluridisciplinaire, favoriser la réinsertion de l’auteur et réduire les risques de récidive ».
Selon lui, « l’enchaînement de programmes de construction d’établissements pénitentiaires ne peut constituer une réponse adéquate. » Mettant en avant les alternatives à la prison et les mesures probatoires, il recommande aussi le retour des services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) dans les tribunaux.
Par ailleurs, pour lutter contre la surpopulation dans les prisons, le comité s’est dit « favorable à la mise en place d’un mécanisme de régulation de la population carcérale par la définition, pour chaque établissement pénitentiaire, d’un seuil d’alerte et d’un seuil de criticité. »
« À quand un plan d’action d’urgence ? », s’interrogent des syndicats
« Le comité « Sauvé » avance des pistes », ont réagi dans un communiqué les syndicats de la magistrature et des avocats de France. « Il affirme surtout que la justice ne pourra pas remplir ses missions tant que ses moyens humains et matériels resteront aussi indigents […] Mais au-delà, que retiendra de ce rapport un gouvernement qui n’a jusqu’à présent pas pris la mesure de la situation ? »
Pour « retrouver une justice de qualité », poursuivent les organisations, « cela doit nécessairement passer par des mesures fortes : rendre la justice pleinement indépendante, réhabiliter le temps de l’audience et la collégialité des décisions […], mettre un terme à la simplification des procédures et la « barémisation » des litiges qui ne visent qu’à restreindre l’accès au juge, cesse de transférer toujours plus et au mépris des droits de la défense le pouvoir de sanction des juges au profit des procureurs voire de la police, s’attaquer enfin au problème de la surpopulation carcérale qui fait perdre tout sens à la peine. »
Publications sur un objet semblable:
Affaire Priore/La commission de 1969,Le livre .
La Justice pour les Nuls, 3e,(la couverture) .
Photographie/Sociétés et Organisations/Éditeurs de cartes postales/L. Dulac,Le livre .